Dans la ruche en novembre, la saison apicole s’efface doucement derrière l’hiver. Pourtant, cette période n’est pas une simple parenthèse : ce qui se joue maintenant dans la ruche conditionne directement la reprise du printemps suivant. Comprendre les dynamiques naturelles et adapter sa conduite au climat et au type de ruche utilisé sont les clés d’une bonne préparation hivernale.
Que se passe-t-il dans la ruche en novembre ?
Une activité réduite dans la ruche en novembre mais pas une « mise en pause »
En octobre, l’apiculteur a préparé ses colonies en favorisant la naissance d’abeilles d’hiver, plus robustes et capables de vivre plusieurs mois. Ces abeilles, élevées en fin de saison lorsque la population d’été décline, deviennent les piliers de la colonie durant toute la période froide : elles assurent la thermorégulation, la ventilation et la protection des réserves, tout en constituant la future force de reprise au printemps.
Lorsque les températures chutent durablement sous les 12 °C, ces abeilles d’hiver forment la grappe d’hiver, un amas compact centré sur le couvain ou, s’il n’y en a plus, sur les réserves. L’activité extérieure est quasi nulle : les vols cessent, les gardiennes se replient à l’intérieur, et la colonie entre en mode économie d’énergie.
Cependant, contrairement aux idées reçues, la ruche n’est pas totalement « endormie ». Le métabolisme collectif reste actif : les abeilles ventilent, maintiennent une température centrale stable autour de 34–35 °C et consomment les provisions de miel.
Des situations contrastées selon les régions
En plaine, dans le Sud ou sur le littoral atlantique, les douces journées automnales peuvent encore offrir des fenêtres de vol. Certaines colonies profitent de floraisons tardives (lierre, arbousier, luzerne résiduelle) pour compléter leurs réserves ou effectuer des vols de propreté.
En montagne ou dans le Nord-Est, l’hiver est déjà bien installé : la grappe est dense, les vols inexistants et la consommation de miel augmente pour maintenir la chaleur.
Cette hétérogénéité climatique française impose d’adapter le calendrier et les interventions à chaque rucher plutôt que d’appliquer une règle uniforme.
Impact du changement climatique
Les automnes plus doux et irréguliers perturbent les rythmes naturels :
Dans certaines régions, dans la ruche en novembre, la ponte se prolonge parfois jusqu’en novembre, animant les ruches d’une vitalité inhabituelle pour la saison. Si cette activité tardive peut sembler bénéfique, elle s’accompagne d’une consommation accrue des réserves, pouvant faire planer la menace d’une disette en fin d’hiver.
Les floraisons tardives, imprévisibles, offrent un sursis capricieux : elles peuvent enrichir les provisions mais aussi brouiller les repères de l’apiculteur lors des pesées ou retarder la mise en grappe.
À cela s’ajoutent les variations brutales de température, oscillant entre douceur et froid mordant, qui mettent à rude épreuve la cohésion des colonies, en particulier les plus modestes.
Ces nouvelles conditions demandent une lecture fine de l’état des colonies, davantage qu’une application stricte du calendrier traditionnel.
Ruche classique vs Ruche Basse Consommation®
Dans une ruche classique, la thermorégulation dépend fortement de la masse d’abeilles et des réserves. Les variations climatiques peuvent provoquer une surconsommation ou une reprise trop précoce de la ponte, augmentant le risque d’épuisement.
La Ruche Basse Consommation® (RBC®), dotée d’une isolation renforcée et d’une conception qui réduit les échanges thermiques, offre aux abeilles un environnement naturellement tempéré. Elles n’ont plus besoin de se regrouper en grappe compacte pour conserver la chaleur, car l’isolation maintient une stabilité thermique constante et favorise une consommation énergétique minimale.

Que fait l’apiculteur en novembre
Observer sans déranger
La règle d’or en novembre : ne pas ouvrir inutilement.
L’apiculteur se fait discret, presque invisible. Il s’approche doucement de la ruche et colle son oreille contre la paroi, ou utilise un stéthoscope : un bourdonnement doux et régulier lui parvient, signe d’une colonie calme et bien organisée. Sur les planches d’envol, les indices s’accumulent comme sur une scène d’enquête. En effet, quelques débris de cire, des abeilles mortes ou des cadavres de frelons et de varroas livrent des informations précieuses sur la santé et l’activité intérieure. Enfin, il soupèse la ruche d’un geste mesuré, évaluant son poids pour anticiper d’éventuels besoins en nourrissement de secours à la sortie de l’hiver. En moyenne, une colonie doit disposer d’environ 15 à 20 kg de miel pour passer la saison froide sereinement. Cette moyenne dépend cependant de la taille de la ruche et du climat local.
Assurer la stabilité et la protection
L’apiculteur veille à ce que les toits soient bien étanchéifiés et fixés (vents violents, pluies froides). Lorsque la pression des frelons s’estompe, il est temps de retirer les portes anti-frelon pour réinstaller des entrées classiques à pont. Elle offrent, en effet aux colonies une circulation plus naturelle et fluide. Elles jouent un rôle de protection contre les intrusions de rongeurs en quête de refuge. En région humide, une bonne ventilation sans courant d’air reste essentielle pour éviter la condensation, responsable de moisissures et de refroidissements localisés.
Dans les zones soumises aux giboulées ou aux chutes de neige précoces, il est recommandé de dégager les entrées après chaque épisode neigeux pour permettre une ventilation minimale. Pour éviter l’accumulation d’humidité dans la ruche, il est aussi conseillé d’incliner légèrement la ruche vers l’avant, favorisant ainsi l’évacuation naturelle de la condensation et de l’eau de pluie.
Préparer les traitements d’hiver contre Varroa
Le traitement anti varroa avec Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) s’effectue en période de rupture naturelle de ponte, souvent entre fin novembre et mi-décembre selon la région. Il est crucial de planifier ce traitement sans précipitation : une ruche encore en ponte ne sera pas correctement traitée, car les varroas dans le couvain échappent au produit.
Les apiculteurs en RBC peuvent parfois observer une rupture de ponte légèrement plus précoce, du fait d’une meilleure régulation interne : un atout pour optimiser le calendrier du traitement
Anticiper le nourrissement de secours
Il n’est généralement pas recommandé de nourrir massivement en novembre. Les actions menées en octobre — notamment le complément en sirop si nécessaire — ont normalement permis de conforter les réserves pour l’hiver. En revanche, les pesées permettent d’identifier les colonies fragiles qui risquent une famine hivernale en février-mars. Lorsque ces réserves s’avèrent insuffisantes, l’apiculteur anticipe et met à disposition des candis, à poser en toute fin d’année. Les glucides contenus dans le candi leur apportent l’énergie nécessaire pour produire la chaleur interne, assurer la cohésion de la grappe et soutenir leurs fonctions métaboliques lorsque les ressources naturelles sont absentes.
Faire le point sur le matériel et la saison
Novembre est aussi le moment stratégique pour l’apiculteur :
- Nettoyage et désinfection des hausses, cadres et outils ;
- Réparation ou remplacement du matériel endommagé ;
- Analyse des pesées et des notes de la saison pour ajuster les pratiques (choix des emplacements, conduite des reines, nourrissement estival…).

Les plantes mellifères de novembre
Le viorne tin (Viburnum tinus), en fleur de novembre à avril, illumine le jardin hivernal. Ses inflorescences riches en nectar et pollen offrent une ressource précieuse aux abeilles et aux insectes auxiliaires lorsque la nature se fait plus discrète.
Les Éléagnus (ou chalefs) sont des arbustes rustiques et généreux, capables de s’adapter à presque tous les types de sols. Leur floraison discrète mais abondante, de octobre à janvier, diffuse un parfum suave et offre aux abeilles une source régulière de nectar et de pollen en plein cœur de l’automne et du début d’hiver.
Le néflier du Japon (Eriobotrya japonica), en fleurs début novembre, égaie le jardin de ses inflorescences blanches et parfumées. Mellifère, il offre aux abeilles une ressource énergétique rare à une période où les floraisons se font discrètes.
À retenir
En novembre, la ruche vit au ralenti mais se prépare activement à l’hiver.
Pour l’apiculteur, l’enjeu n’est pas d’agir beaucoup, mais d’agir juste : observer, protéger, anticiper et adapter sa conduite aux conditions locales et au type de ruche utilisé.Une bonne préparation hivernale est le socle d’un démarrage printanier vigoureux, avec des colonies saines et des réserves maîtrisées.
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Sélection ICKO Apiculture
Piège à frelon sélectif Good4bees
Sources : J.Riondet (extrait de l’agenda apicole ICKO)

Testeur Varroa EasyCheck

