Dans la ruche, en avril, c’est le mois où l’activité se relance et où tout s’accélère pour les abeilles comme pour l’apiculteur. L’activité s’accroît dans les colonies et les floraisons explosent. Pour l’apiculteur, c’est une période charnière. Il faut être présent, réactif, prêt à intervenir. Une mauvaise lecture des colonies ou un oubli peut compromettre le lancement de la saison.
Geste préventif ! Le mois d’avril est la période idéale pour piéger les fondatrices frelons asiatiques.
La colonie d’abeilles dans la ruche en avril
Une forte montée en puissance
En avril, les butineuses profitent des belles journées pour collecter nectar et pollen en abondance. Cerisiers, pissenlits, merisiers : les sources sont variées. Les jeunes reines pondent à plein régime, jusqu’à 2 000 œufs par jour. Cela provoque une véritable explosion démographique. Les cadres de couvain se remplissent à vue d’œil. En moyenne, et lorsque les conditions sont favorables, elles peuvent remplir un cadre de corps tous les deux jours. Les abeilles nourrices se multiplient pour accompagner cette croissance.
Des cadres à surveiller de près
À l’intérieur, les cadres de couvain s’étendent, les cadres de miel s’étoffent. Un bon équilibre entre cadre de nourriture, cadre de couvain et cadre de pollen est essentiel. Trop de couvain sans réserve peut épuiser la colonie, surtout si le mois d’avril est plus froid que prévu. En effet, un changement brutal de température demande beaucoup d’énergie aux abeilles pour maintenir l’homéostasie au sein de la ruche. Ainsi, elles vont consommer davantage pour réguler la température interne. Un printemps froid peut ralentir les floraisons et donc limiter les apports en nectar et pollen. Rappelons-nous qu’au printemps 2024, dans certaines régions, les hausses pleines ont été consommées par les abeilles suite à une météo défavorable.
Les colonies fortes bâtissent rapidement. Il faut leur offrir des cadres gaufrés ou déjà bâtis pour mettre à profit leur travail. En ce début de printemps, les jeunes abeilles, âgées entre 12 et 19 jours, travaillent sans relâche en produisant de la cire grâce à leurs glandes cirières situées sous la face interne de leur abdomen.
Attention à l’essaimage dans la ruche en avril
L’explosion démographique, couplée au manque d’espace, crée un cocktail explosif. L’essaimage devient un vrai risque. En effet, lorsque la surface du couvain fermé devient supérieure à celle du couvain ouvert, la reine peine à circuler. Elle ne trouve plus assez de cellules vides pour pondre. Si, du fait de son âge avancé, elle sécrète moins de phéromones de marquage, la colonie va la pousser au départ. Les abeilles perçoivent cette faiblesse. Elles commencent à élever de nouvelles reines, souvent en bordure du couvain. La reine actuelle est alors bousculée, nourrie différemment, jusqu’à perdre du poids. Elle devient apte au vol. De leur côté, les ouvrières se préparent au départ : elles se gorgent de nourriture, leurs jabots quadruplent de volume, leur agressivité augmente. L’essaimage est alors imminent, généralement dans un délai de 7 à 12 jours.
Une surveillance rapprochée des colonies permet d’intervenir à temps. L’apparition de cellules royales est le premier signe. Dès que vous les constatez, trois possibilités s’offrent à vous :
L’ajout de cadres de cire à bâtir au cœur de la ruche, en remplacement de cadres de couvains, pour les faire travailler et réduire la propension à l’essaimage.
La suppression intégrale des cellules royales situées en périphérie du cadre à l’aide d’un lève-cadre, par exemple.
- La réalisation d’un essaimage artificiel. Cette méthode consiste à prélever deux cadres de couvain (vérifiez que la reine n’est pas présente sur ces cadres) : un cadre ouvert, un fermé. Ajouter un cadre à bâtir ou bâti et un cadre de provisions. Placez-les dans une ruchette pour créer votre nouvelle colonie. Éloignez la ruchette d’au moins 3 kilomètres ou installez-la en cave 2 jours. Cette technique permet de désengorger la colonie d’origine, de retarder l’essaimage naturel et de maîtriser le renouvellement des reines.
Un essaimage mal géré peut diviser la colonie, réduire la production, voire provoquer des désordres entre colonies souches. Mais, l’essaimage reste un phénomène naturel essentiel à la dynamique de sélection et de renouvellement des reines. L’essaimage artificiel est un bon compromis qui permet de préserver la dynamique de renouvellement sans compromettre le rendement de la saison.
Dans la ruche en avril, que fait l’apiculteur ?
La visite de printemps, le rendez-vous clé
Si ce n’est pas déjà fait, dès que les conditions météo le permettent (température supérieure à 15°C) c’est le moment de la visite de printemps.
On contrôle :
- la présence de couvain (œufs, larves, operculés),
- la vitalité de la reine,
- l’équilibre des cadres,
- la taille des colonies,
- les réserves disponibles (miel et pollen),
- l’état sanitaire (absence de maladies),
- la propreté du plancher.
On profite aussi de cette visite pour changer les cadres noirs ou endommagés, ajouter des cadres de cire neuve et anticiper les besoins de la colonie. Retenez ce chiffre clé : en moyenne, on change 2 à 3 cadres anciens par des cadres neufs par ruche et par an.
Enfin, on peaufine l’entretien du rucher, si ce n’est déjà fait. On dégage les accès et les entrées des ruches. Attention, selon les régions, il est trop tard pour tailler les haies ! Ceci pour préserver la biodiversité. Renseignez-vous auprès de votre mairie.
Adapter l’espace de la ruche et réunir si besoin
Les fortes colonies doivent être élargies.
On ajoute des cadres cirés au cœur de la ruche, juste avant les cadres de nourriture situés en bordure du corps de ruche ou une hausse. Le but : éviter la saturation et stimuler la production de miel. La productivité des colonies dépend de leur confort. Une ruche propre, avec suffisamment de place, favorise le développement optimal du couvain.
Les colonies faibles, à l’inverse, peuvent être réunies. Avant de procéder à cette réunion, vérifiez l’état sanitaire. S’il est bon, procédez en fin de journée après le retour des butineuses et par temps frais (aux alentours de 15°C). Il est indispensable de rechercher la vieille reine et de l’enlever. Placez ensuite une grille de réunion sur le corps de la ruche sur lequel la reine est encore présente. Puis, le corps de ruche sans reine (et dépourvu de son plateau) est placé au-dessus de cette ruche avec reine. Les phéromones et les odeurs vont circuler à travers la grille et les abeilles s’habitueront les unes aux autres. Au bout de quelques jours, l’apiculteur vérifie si la réunification est acquise et enlève le corps du haut et la grille de réunion.
C’est une opération à faire au moins 3 km du rucher initial.
Nourrissement la ruche en avril : quand et pourquoi ?
Selon les régions, un nourrissement stimulant peut être utile dans la ruche en avril. En revanche, trop nourrir désorganise la colonie. Ainsi, préparez-la juste avant les premières miellées (21 jours avant). En effet, une ruche trop développée trop tôt essaime facilement. Il est donc essentiel de se référer à la météo et au calendrier des floraisons à proximité du rucher.
Le sirop ne suffit pas toujours. En avril, les abeilles ont aussi besoin de protéines. Dans la nature, les protéines sont présentes dans le pollen. S’il vient à manquer, un candi protéiné peut être administré. Cela aide le couvain à bien se développer. De plus, les formules enrichies en vitamines et oligo-éléments contribuent à la bonne santé des colonies.
Pour les essaims récents, utilisez un sirop de stimulation, concentré à 50/50. Il aura pour but de simuler une miellée et favorisera la construction des alvéoles par les abeilles cirières. On apportera environ 2 litres pour un jeune essaim sur 3 cadres de couvain. Cela soutient la dynamique de ponte. Un essaim bien nourri est une colonie qui résistera mieux aux parasites de tous types.
Suivi de la reine et préparation à l’élevage
Le marquage des reines permet un bon suivi. Il peut se faire à l’aide d’un marqueur ou d’un vernis.
Les anciennes reines montrent parfois des signes de faiblesse. C’est le moment d’envisager un élevage de reines, surtout si la colonie souche est performante. L’élevage des reines demande un peu de savoir-faire, mais il renforce la sélection et la performance des colonies.
Prévention contre le frelon asiatique
Les fondatrices frelons commencent à s’activer. C’est le moment pour piéger les reines afin de limiter leur propagation. Installez des pièges sélectifs à proximité des ruchers fortement touchés l’année dernière. Surveillez vos prises pour vérifier leur impact sur les autres insectes.
Préparation de la première récolte
Anticiper les miellées en avril dans la ruche
Avec des colonies puissantes, les premières récoltes commencent à être stockées. Installez les grilles à reine et les hausses dès que les cadres de rive contiennent du nectar frais et que les abeilles commençent à construire des batisses sauvages dans le nourrisseur ou sur les cadres. Cela permet de canaliser la ponte dans le corps et de profiter pleinement des premières miellées.
Observer pour mieux intervenir
Surveillez la météo, l’évolution des floraisons, les comportements anormaux. L’observation reste la meilleure arme de l’apiculteur. Elle permet de détecter une absence de reine, une stimulation excessive, ou un coup de froid qui bloque la ponte.
Avril est un mois actif, intense, où tout peut basculer. Pour les apiculteurs amateurs, c’est l’un des mois les plus passionnants, à condition d’être attentif. En suivant de près la ruche en avril, on construit une saison réussie. C’est maintenant que tout se joue !
Sélection ICKO Apiculture